Ces derniers mois, plusieurs voitures électriques chinoises ont défrayé la chronique avec des accidents aussi spectaculaires que tragiques. Une Xiaomi en flammes a notamment relancé le débat sur l’ouverture des portes en situation d’urgence. D’autres incidents ont pointé du doigt la sécurité des batteries, jugées trop promptes à s’embraser, tandis que la conduite autonome a essuyé sa part de critiques. Désormais, c’est l’accélération fulgurante de certains modèles qui est dans le viseur: la Chine prépare une norme pour encadrer cette poussée de couple. Une décision qui pourrait inspirer à son tour les régulateurs européens.
Le ministère chinois de la Sécurité publique a présenté un projet baptisé « Conditions techniques de sécurité opérationnelle des véhicules motorisés ». Objectif: imposer, par défaut au démarrage, une limite d’accélération empêchant les voitures particulières de passer de 0 à 100 km/h en moins de 5 secondes. L’idée est simple: réduire les pertes de contrôle liées aux démarrages canon. Le conducteur resterait libre d’activer un mode plus sportif, mais uniquement après une action volontaire et consciente. En clair, le mode standard deviendrait la norme à chaque mise en route, et il faudrait explicitement choisir la performance pour libérer tout le potentiel.
Le timing n’a rien d’un hasard: des berlines et SUV électriques tout-venant affichent désormais des chronos dignes de supercars. Il y a peu, ces accélérations restaient l’apanage de machines thermiques onéreuses, rares, et fièrement badgées sportives. Aujourd’hui, une Xiaomi SU7 Ultra et une Yangwang U9 pulvérisent les standards avec des 0 à 100 km/h réalisés en 1,98 s et 1,9 s. La Tesla Model S Plaid et la Porsche Taycan Turbo S suivent de près, franchissant la barre en un peu plus de 2 s. Même côté modèles « accessibles », la Tesla Model 3 Performance descend sous les 3,5 s, quand la BMW i4 M60 claque un 0‑100 km/h en 3,7 s. Et une « simple » MG4 Autonomie Étendue signe un très respectable 0 à 100 km/h en 6,5 s, soit l’équivalent de la plupart des GTi des trois dernières décennies. En fouillant, on trouve bien une Renault Megane Trophy R autour de 5,4 s au 0‑100, mais ce sont des exceptions. Bref, des performances autrefois élitistes deviennent grand public, dans un marché chinois où l’âge moyen des acheteurs tourne autour de 35 ans, quand l’Europe dépasse la cinquantaine. De quoi pousser Pékin à encadrer cette puissance instantanée, avant qu’elle ne déborde sur la sécurité routière.
Le texte va plus loin pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables. Tous devront intégrer une technologie de prévention des erreurs de pédale, capable de détecter une accélération involontaire à basse vitesse et de la contenir, avec alertes sonores et visuelles à la clé. En cas d’accident détecté, le système devra couper la puissance automatiquement, notamment lors d’un changement brutal de vitesse (plus de 25 km/h en 150 ms) ou au déclenchement des airbags.
Côté batteries, l’exigence se durcit aussi. Les packs devront intégrer des dispositifs de décharge et de compensation de pression pour évacuer la surpression loin de l’habitacle. Les véhicules devront repérer très vite tout phénomène thermique anormal et prévenir clairement les occupants. Une autre norme exigera d’éviter tout risque d’incendie ou d’explosion: à défaut, la commercialisation sera interdite en Chine à partir de juillet 2026. Les accumulateurs devront aussi se ventiler efficacement pour limiter la propagation d’un départ de feu.
Le projet s’attaque enfin aux aides à la conduite: les systèmes de conduite autonome devront vérifier l’identité et l’attention du conducteur quand l’assistance est active. Dès 10 km/h, la vigilance devra être contrôlée via au moins deux indicateurs, par exemple la détection des mains sur le volant et le suivi du regard. Les fonctionnalités vidéo‑ludiques, comme les jeux, seront bloquées pendant la conduite, grâce à des caméras capables de s’assurer que l’utilisateur reste concentré, y compris sur longs trajets et dans le trafic dense.
Le texte cadre aussi les issues de secours: au moins deux sorties par occupant, des poignées mécaniques de chaque côté des portes, et le déverrouillage automatique des ouvrants non touchés en cas de choc.
Au-delà de l’écriture réglementaire, une vraie question se pose: faut‑il toujours plus protéger les conducteurs d’eux‑mêmes ou investir davantage dans la formation dès le départ? La Chine veut clairement réguler les performances et la sécurité de ses voitures électriques, dans un marché en pleine expansion et porté par un public jeune. Reste à savoir si l’Europe suivra cette voie ou privilégiera un meilleur apprentissage des usages numériques et de la puissance instantanée propre à l’électrique.
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